Que retiens-tu de tes années à l’ENSTA Bretagne ?
Lors des premières années de formation, nous suivons un cursus très généraliste. Avec le recul, je m’aperçois que ces compétences généralistes sont indispensables dans tous les secteurs de l’ingénierie. Pour ma part, cela s’est illustré lorsque j’ai eu besoin de connaissances en informatique pour mener à bien un projet professionnel en architecture navale.
Côté vie étudiante, nous avions la chance d’avoir une vie associative très riche, aussi bien au niveau sportif que culturel et artistique. Naturellement, j’avais choisi de faire de la voile. Je suis convaincu que l’investissement dans les clubs et associations étudiantes nous apporte beaucoup d’un point de vue personnel.
Quels ont été tes terrains de stages ?
J’ai réalisé mon stage opérateur de première année chez Multiplast, où j'ai eu la chance de participer à la construction de l'IMOCA DMG MORI, un bateau à voile de 60 pieds, qui a notamment couru sur le précédent Vendée Globe.
En deuxième année, j’ai effectué mon stage au Yacht Research Unit d'Auckland en Nouvelle-Zélande, sur de la prédiction de performance des canoës polynésiens à voile.
L’objectif était de mettre l’ingénierie navale au service de l’anthropologie, afin de mieux comprendre comment la performance de ces bateaux leur a permis de peupler les îles du Pacifique, de la Nouvelle-Zélande à l'Ile de Pâques, et ce bien avant que les Européens ne se mettent à sillonner les mers du monde.
Ce stage a permis la publication de plusieurs articles de recherche.
Comment s’est passée ton année de césure ?
J’ai effectué mon année de césure chez Benjamin Muyl Design un bureau d’étude en ingénierie, spécialisé dans l’architecture navale. Je travaillais surtout avec mon collègue Nedeleg Bigi (un ancien doctorant de l’école) sur des outils destinés à modéliser et prédire la performance des bateaux.
Car bien que l’on sache aujourd’hui très bien prédire les performances d’un bateau sur mer plate, la performance des bateaux dans les vagues ou dans des phases de transition telles que des manœuvres est très difficile à évaluer et relève du domaine de la recherche.
C’est dans ce contexte que j’ai participé au développement de plusieurs outils, ce qui consiste à savoir se former à des nouvelles technologies scientifiques, puis à les rendre accessibles et utilisables en écrivant du code logiciel.
Suite à cette césure, je suis retourné en stage de fin d’études chez Benjamin Muyl Design, où j’étais non plus chargé de mettre au point des outils de simulation comme pendant ma césure, mais plutôt de m’en servir.
Le sujet du stage était centré sur l’étude des AC75, monocoques volants destinés à courir la prochaine Coupe de l’America en 2024 à Barcelone. Ces études étaient menées dans le cadre de l’équipe française K-Challenge désormais devenue Orient Express Racing Team, et ont été notamment centrées autour de la prédiction de la vitesse de ces bateaux ainsi que la mise en route du simulateur d’AC75.
Nous avons aussi eu l’occasion de faire des essais du simulateur avec les navigants de l’équipe française de SailGP, ce qui était extrêmement enrichissant et permet de faire le lien entre notre modélisation « virtuelle » du bateau et ce qui peut être vécu par les marins à bord.
Peux-tu nous parler de ton poste actuel chez Benjamin Muyl Design ?
Aujourd’hui, j’exerce un peu moins dans le développement que pendant mon année de césure, car nous sommes impliqués sur plusieurs projets qui nécessitent davantage de faire des études pour mieux comprendre les bateaux.
Selon les semaines et les jours, je travaille sur des projets de conception de voiliers de course au large, où nos outils de simulation permettent de concevoir les bateaux et les appendices les plus rapides possible.
Je travaille également sur le défi Orient Express Racing Team (l’équipe française qui participera à la Coupe de l’America 2024). Au sein de cette équipe, Benjamin participe à la coordination de l’équipe, tandis que je me charge avec Nedeleg des études de performance du futur bateau qui va être construit, ainsi que de toute la partie simulatrice en lien avec l’équipe navigante.
À quoi ressemble ton quotidien au travail ?
Ces derniers mois, j’ai fait beaucoup de développement d’outils, ce qui s’apparente au travail effectué dans le monde de la recherche : il faut savoir s’inspirer des travaux de recherche académiques, puis les rendre utilisables dans un contexte plus « industriel », même si nous sommes une petite équipe et que la frontière entre développement des outils et utilisation est parfois fine.
Plus récemment, nous avons plutôt travaillé en mode projet, car ceux-ci se sont multipliés. Je suis parfois derrière l’ordinateur parfois sur site pour rencontrer nos clients, et parfois en session de simulateur avec les marins. Nous avons la chance d’avoir un spectre de compétences assez large au sein de l’entreprise et dans nos méthodes de travail. Le fait de développer nos propres outils nous permet ensuite d’être pertinents lorsque vient le moment de s’en servir sur nos divers projets.
Dans les projets sur lesquels nous travaillons, c’est notre rôle de mettre au point le modèle de bateau afin que celui-ci soit le plus fidèle possible. Le fait d’être en possession de ce modèle permet de disposer de beaucoup de données sur celui-ci, et nous place au centre des réflexions architecturales, ce qui rend le quotidien très varié, car nous pouvons participer à de nombreuses phases de la vie d’un bateau, de sa conception jusqu’à l’analyse de ses performances lorsque celui-ci navigue depuis plusieurs années.
Un conseil à donner à celles et ceux qui aimeraient rejoindre le monde de la course au large ?
Il faut s’accrocher et faire ses preuves pour travailler dans le monde de la course au large, mais c’est un rêve qui est atteignable. Le domaine est très dynamique et avec l’évolution de la science, on ne dessine plus un bateau aujourd’hui comme il y a 20 ans.
Les ingénieurs et les outils de simulation numériques prennent une place de plus en plus importante dans la conception d’un bateau, et l’ENSTA Bretagne dispose d’une formation riche et pertinente pour préparer les ingénieurs architectes navals de demain !