En tant que membre de l’association « Avec les Femmes de la Défense » mais également en tant que femme ingénieure, Amandine a présenté sa candidature avec l’envie que plus d’étudiantes s’intéressent aux métiers d’ingénieur et la conviction que les femmes trouvent largement leur place en tant qu’ingénieures dans les entreprises, et la trouvent de plus en plus tout en menant leurs projets personnels et familiaux. Elle nous raconte son parcours depuis l’obtention du diplôme ENSTA Bretagne en 2006.
ENSTA Bretagne : Quelles sont les grandes étapes de votre parcours ?
Amandine : Dans ma famille on est ni ingénieur, ni militaire, j’ai néanmoins toujours voulu devenir ingénieure militaire et intégrer ce domaine technique complexe, dans lequel la France investit énormément. Après deux ans de classe préparatoire à Nancy, je me suis dirigée vers Brest pour intégrer l’ENSTA Bretagne et devenir Ingénieur des Etudes et techniques de l’Armement (IETA). Entre temps il y a une année de formation militaire que j’ai effectuée dans l’Armée de l’Air.
A l’ENSTA Bretagne, j’ai approfondi le domaine électronique-informatique-traitement du signal (devenu depuis « systèmes d’observation et intelligence artificielle »), puis j’ai effectué ma troisième année à Telecom Bretagne (devenue IMT Atlantique). J’ai suivi un Master Recherche en même temps que ma dernière année d’école d’ingénieur, portant sur l’algorithmie et la théorie de la décision, qui m’a amenée à travailler, en plus de la programmation, sur les sciences cognitives.
Une fois diplômée, en 2006, j’ai pu intégrer le domaine des facteurs humains à DGA Techniques Terrestres à Angers où j’ai travaillé dans des domaines variés (l’autonomie décisionnelle, les chars, les robots…). J’ai également fait un diplôme universitaire en parallèle, à la faculté de médecine, qui porte sur l’ergonomie physique et la psychodynamique du travail. En 2008, j’ai rejoint Paris et ai participé aux programmes de drones, en apportant mon expertise sur les facteurs humains. J’ai ensuite investi les « sciences dures » de la robotique et élaboré plusieurs contrats de drones depuis DGA Ingénierie des Projets à Paris en partenariat avec différents centres d’expertise de la DGA.
ENSTA Bretagne : En quoi consiste votre métier d'ingénieur « architecte technique » ? Et quelles sont les qualités requises pour l’exercer ?
Amandine : Je suis architecte de cohérence technique pour un système d’information de soutien pour les avions et les hélicoptères militaires. En pratique, j’encadre, sur le plan technique, une équipe d’une quinzaine de personnes. Nous instruisons les différentes architectures techniques possibles pour le système, donnons un avis sur les offres industrielles que nous recevons et préparons les futurs contrats. Pour ce poste, il faut avoir une bonne vision d’ensemble, tant sur la stratégie que sur la cohérence de tous les travaux. Il faut une bonne capacité d’écoute mais également savoir faire preuve d’affirmation de soi pour amener tout le monde dans le bon cadre : savoir dire quand on est d’accord ou quand on ne l’est pas, et savoir le dire au bon moment.
ENSTA Bretagne : être une femme ingénieure aujourd'hui en entreprise ou à la DGA, cela semble simple à vous écouter ?
Amandine : D’une manière générale être une minorité au sein d’une majorité peut parfois être difficile, il existe des maladresses. Mais cela a beaucoup évolué.
Je veux convaincre les jeunes femmes qu’elles ont leur place, en tant que femme, en tant qu’ingénieure, en tant que personne, en assumant leur personnalité, avec leurs qualités et leurs défauts.
Je crois énormément au mentoring, et pas seulement entre femmes, pour aider les femmes à s’assumer, se poser les bonnes questions mais également pour que le mentor se rende compte des problématiques au sein de l’entreprise.
Homme ou femme, on ne devrait même plus se poser la question. Chacun a sa place : c’est l’équilibre auquel il faut arriver, y compris dans la vie privée. Les entreprises mais également le Ministère des Armées mènent des actions en ce sens, pour l’égalité Homme-Femme, c’est une très bonne chose.
Il y a un véritable attrait des femmes pour l’innovation. En 2014 j’ai eu mon troisième enfant. J’ai profité de ces quelques mois de maternité pour m’investir dans le réseau de mamans « Mumaround » que mes amies et moi avons lancé à Issy-les-Moulineaux. Il témoigne que de nombreuses femmes (et mamans) sont entrepreneuses, travaillent dans le numérique à leur compte et s’en sortent très bien. Pour moi, femmes ou hommes, l’important c’est d’avoir envie de s’investir.
ENSTA Bretagne : que vous apportent votre formation ENSTA Bretagne et le cursus IETA dans votre parcours ?
Amandine : Quand on est IETA, on est militaire et on a un engagement. Les études rémunérées ont aussi été un facteur de choix à l’époque où j’ai choisi cette école. Maintenant, je me rends compte de tout ce que mes études m’ont apporté : l’année militaire, qui m’a permis d’être au plus près des utilisateurs finaux des systèmes ; un parcours technique poussé (je me rappelle très bien de mes cours de traitement du signal et d’automatique) mais surtout une vision sur l’avenir que je voulais avoir. J’ai un parcours très technique, mais j’ai également une casquette supplémentaire « facteurs humains et sciences cognitives » acquise auprès d’enseignants très compétents. J’ai aimé le dialogue avec l’équipe pédagogique et la possibilité, pour chaque étudiant, de s’épanouir.
Choisir d’être IETA, c’est choisir un parcours magnifique.
L’année de formation militaire dont on bénéficie est un vrai plus car il y a une vraie cohésion et une prise de conscience des professionnels à qui on va livrer le matériel ensuite. Ensuite, les études d’ingénieur, généralistes la première année, se diversifient. On peut avoir des parcours très différents : mécanique, pyrotechnie, traitement du signal, hydrographie ou même aéronautique en faisant deux ans d’études à l’ISAE-SUPAERO.
Dans notre métier de tous les jours, et surtout dans les premiers postes, on teste du matériel complexe techniquement. Il m’est arrivé de tester des robots autonomes de plusieurs tonnes sous une neige de 15 cm en Allemagne par exemple. Ensuite, on évolue rapidement : on change de poste au moins tous les cinq ans, ce qui permet de voir énormément de domaines différents et de gagner en responsabilité. On devient manager de projet ou manager d’équipe, ou même directeur de centre technique. Enfin, on a également la possibilité (2 à 3 places par an) de devenir ingénieur de l’armement par un concours interne, comme je l’ai fait.