Quel a été ton parcours avant de rejoindre l’ENSTA Bretagne ?
Après des études en droit, langues et sciences politiques, j’ai effectué ma thèse à l’Université de Montpellier sur la politique d’externalisation dans les armées et la réforme de l’État sous Nicolas Sarkozy. Je me suis intéressée aux différentes activités de soutien aux armées, en particulier la restauration collective et la maintenance en aéronautique. À travers mes recherches, j’ai pu questionner l’externalisation de certaines activités vers le secteur privé et ainsi comprendre les difficultés que ces projets ont pu rencontrer. Ma thèse me sert encore aujourd’hui grâce à la connaissance que j’ai acquise des armées.
En quoi l’article grâce auquel tu as été nommée à la Fondation, fait écho au projet TRAVID que tu as mené avec Jean Frances ?
TRAVID (Travail vivant d’innovation de défense) est un projet-école que j’ai mené avec Jean Frances enseignant-chercheur en sociologie à l’ENSTA Bretagne jusqu’au 31 décembre 2022. Pour cette étude sociologique, nous avons choisi de mener une approche « par le bas », dans le sens où nous avons étudié comment les militaires proposent eux-mêmes certaines innovations sur la base de leurs propres expériences.
Lors de ce projet de recherche, nous nous sommes intéressés aux conditions de développement d’innovations élaborées « par et pour » les militaires, qui concernent souvent leurs équipements et armements. À travers l’étude de ces trajectoires d’innovation, notre objectif est de comprendre comment les militaires tentent d’améliorer leurs conditions et leurs outils de travail.
Pour cette étude, nous avons concentré nos recherches sur les Forces Spéciales en nous déplaçant dans plusieurs Unités en France. En retraçant la trajectoire de ces innovations, de l’idéation au « passage à l’échelle », en passant par le prototypage et la certification, nous cherchons à comprendre comment les militaires innovent dans leur travail quotidien, avec quels services ils interagissent et s’ils rencontrent des difficultés. Nous sommes actuellement en train de rédiger un rapport à l’AID (Agence de l’Innovation Défense) avec nos recommandations.
En quoi consiste le projet école I2DI ?
Le post-doctorat que j’ai débuté en début d’année 2023 porte sur le projet-école de recherche I2DI (Innovation de défense, défense de l’innovation) que je mène avec Jean Frances entre l’ENSTA Bretagne et l’AID jusqu’en décembre 2025. Contrairement au projet TRAVID, il s’intègre davantage dans le champ des Sciences Politiques. Cette fois-ci, la recherche s’effectue « par le haut » dans la mesure où nous nous intéressons à la manière dont l’innovation est saisie par les acteurs politiques et l’administration.
Notre objectif est de comprendre, comment l’innovation est devenue un objet de politique publique et comment est-elle pensée ? Cela passe par l’analyse des dispositifs mis en place par le Ministère des Armées pour encourager l’innovation. À terme, l’idée est de faire dialoguer TRAVID avec I2DI dans l’objectif de croiser l’approche par le haut avec l’approche par le bas pour affiner la recherche.
De quoi traite ton article « L’innovation technologique, le nouveau nerf de la guerre ?" ?
Cette année, le thème de la Fondation pour les Sciences Sociales était « Un monde en guerre ?". À cette occasion, j’ai proposé un article lié à mes recherches dans TRAVID et aussi en lien avec I2DI. Mon but est de questionner l’innovation dans la pratique de la guerre et de mettre la lumière sur les innovations dites « participatives », développées « par les militaires et pour les militaires. »
Aujourd’hui, nous pouvons entendre des discours forts sur l’innovation technologique « de pointe » et le soldat « augmenté » du futur. Mais, comme l’illustre la création d’une application mobile de cartographie pour les artilleurs en Ukraine, les soldats sont amenés à développer aussi au quotidien tout un ensemble d’innovations plus techniques pour combattre. Les innovations que j’observe sont donc souvent moins impressionnantes que ce que l’on peut imaginer, et plus éloignées de l’image que l’on peut se faire de « la guerre du futur ». Les militaires tiennent à conserver parfois une certaine « rusticité » dans les outils qu’ils développent et qu’ils utilisent, et c’est ce rapport à la technologie que j’interroge dans cet article à venir.
Quelles sont les conséquences de cette nomination sur ton travail ?
Cette nomination est un bon moyen de valoriser les activités de recherche et en particulier les activités de recherche en Sciences Humaines et Sociales à l’ENSTA Bretagne. Cela permet un rayonnement de l’école sur les politiques de défense.
Pour ma part, cette nomination implique des réunions de travail avec la Fondation des Sciences Sociales et l’intégration d’un réseau avec des chercheurs spécialisés dans d’autres disciplines. Je vais être amenée à rédiger un chapitre dans un ouvrage collectif, produire un article scientifique et également réaliser une vidéo pour valoriser mes activités de recherche. C’est très formateur, puisque la fondation va m’apprendre un certain nombre de choses et m’accompagner tout au long de ce processus.
Je suis très fière de contribuer à la visibilité et à la diffusion de la recherche sur les sujets de défense à l’ENSTA Bretagne. Cette nomination me conforte dans l’envie de travailler dans la recherche et d’exercer dans l’enseignement supérieur.