Depuis plusieurs dizaines d’années, on voit fleurir sous la coque des planches et des bateaux à voile des sortes d’ailes sous-marines, appelées foils. Constituées d’une partie horizontale, reliée à la coque par un bras vertical, leur fonctionnement s’apparente à celui de l’aile d’un avion. Lorsque la vitesse du bateau est suffisamment importante, la partie horizontale du foil fait décoller la carène. Ainsi, les frottements du bateau avec l’eau sont réduits et celui-ci gagne en vitesse.
Cette rapidité est actuellement recherchée pour les voiliers de compétition. Mais ce n’est pas la seule application du foil. Des recherches sont en cours pour réduire la consommation électrique ou en carburant des futurs bateaux à moteurs.
Mise au point de modèles complexes
Améliorer la performance des foils est donc un enjeu d’avenir. C’est pourquoi une équipe de chercheurs en mécanique et hydrodynamique de l’ENSTA Bretagne (laboratoire IRDL ¹), en partenariat avec l’IFREMER et l’IRENav, a lancé en 2020 le projet OptiFoil.
« Dans l’idéal, il s’agit de développer des modèles numériques capables d’évaluer la performance de n’importe quel type de foil », présente Matthieu Sacher, maître de conférences à l’ENSTA Bretagne et spécialiste des interactions fluide-structure.
La modélisation de certains phénomènes physiques, comme la ventilation ou la cavitation qui peuvent apparaitre lorsque le foil évolue proche de l’interface air-eau, ou la réponse non-linéaire de la structure d’un foil sous un chargement hydrodynamique, constituent un véritable défi scientifique. Or, ces phénomènes peuvent influencer l’efficacité du foil. Tout l’enjeu est donc de limiter leurs effets !
Validation des modèles par des essais en bassin
Pour cela, les scientifiques du projet OptiFoil ont décidé de tester dans un premier temps la performance du foil en fonction des propriétés mécaniques de sa structure. Dans un bassin à circulation d’eau d’IFREMER à Boulogne-sur-Mer² , ils ont étudié la réponse structurelle du foil lorsque celui-ci est soumis à un écoulement. Le design des fibres qui composent sa structure³ peut en effet influencer sa performance. « Lorsque le foil avance dans l’eau, les efforts hydrodynamiques induisent des déplacements et des déformations de sa structure. Des couplages de flexion-torsion peuvent apparaitre et modifier la vitesse de l’engin. » Cette force hydrodynamique se décompose en une force verticale, appelée portance, qui permet de soulever le foil et donc le bateau ainsi qu’une force horizontale, la trainée⁴.
Les résultats expérimentaux sont en cours d’analyse. Ils nous permettront d’affiner nos modèles. Dans un second temps, c’est la géométrie du foil qui sera testée.
Avec le projet OptiFoil, les scientifiques seront capables de proposer des modèles d’évaluation de la performance des foils. « Pour le moment, nous nous sommes concentrés sur des cas d’étude stationnaire. Nous espérons poursuivre ces développements dans un futur projet, en incluant des cas dynamiques : houle, phases de transition (virement de bord, changements de réglages, etc.) ou réponses dynamiques face à des perturbations extérieures. »
Pour mener à bien ces recherches les chercheurs du projet OptiFoil ont constitué une équipe dédiée qui fait intervenir des doctorants et ingénieurs de recherche en postdoc, ainsi que des élèves-ingénieurs de l’ENSTA Bretagne et des étudiants du master recherche de l’Ecole Navale. Le projet OptiFoil est financé par les instituts Carnot ARTS et MERS.
¹ IRDL : Institut de Recherche Dupuy de Lôme
² Situé dans le Pas-de-Calais.
³ Généralement composée de matériaux composites.
⁴ Qui s’oppose à la vitesse d’avancement du bateau