Ce comportement de retrait d’une ressource prélevé par l’homme est nommé la déprédation. Ce phénomène fait l’objet de recherches soutenues par l’Agence nationale de Recherche. Les travaux conduits ces dernières années suggèrent que les cétacés sont responsables d’environ 30% du total des prises de légines à Crozet et 10% à Kerguelen. Les conséquences sont doubles : une perte économique importante pour les armements de pêche et un apport artificiel de nourriture pour les cétacés qui, à terme, peut mener à un déséquilibre démographique des populations et de l’écosystème en général.
La pêche dans ces zones économiques exclusives est très réglementée dans le but d’assurer une pêche durable et raisonnée. Sept navires français sont autorisés à intervenir dans ce secteur et doivent respecter les quotas annuels. Un contrôleur des pêches est systématiquement présent à bord pour s’assurer du respect des règles.
Afin de préserver cette durabilité de la pêche et préserver les mammifères marins, il est essentiel de mieux comprendre le comportement des mammifères marins. Pour cela les équipes de chercheurs de l’ENSTA Bretagne/Lab-STICC en collaboration avec le Centre d’Etudes Biologiques de Chizé (UMR CNRS - La Rochelle Université) ont mis en place un suivi par acoustique passive en déployant des hydrophones sur les lignes de pêche avec l’aide des pêcheurs et contrôleurs de pêches.
Grâce à l’acoustique passive, une technique non intrusive qui consiste à écouter les sons qui se propagent sous l’eau - et notamment ceux émis par les mammifères marins - les équipes de recherche ont pu recueillir de nombreuses heures d’enregistrement.
Leurs analyses* ont permis de constater que les orques viennent autour des lignes y compris lorsque le bateau est absent, prouvant ainsi que la déprédation n’est pas limitée au moment de la remontée des lignes comme supposé jusqu’à présent, mais peut également avoir lieu sur les fonds marins. Une étude similaire sur les cachalots est actuellement en cours de réalisation au sein de l’équipe de l’ENSTA Bretagne.
Ces nouvelles données révèlent une possible sous-estimation des taux de déprédation et confortent ainsi l’importance de trouver des solutions pour les pêcheries . Celles-ci pourraient ainsi adapter leur stratégie de pêche dans le but de limiter le phénomène de déprédation. In fine, c’est aussi la question de l’impact sur les stocks de poissons qui est posée et de la biodiversité dans ce secteur encore très protégé.
*Richard et al . Passive acoustic monitoring reveals common depredation at depth on soaking demersal longlines by two killer whale ecotypes (submitted in MEPS)
Déprédation : une orque mange une légine prise sur un filet de pêche
Installation d'hydrophones sur une ligne de pêche d'un palangrier par un chercheur de l'ENSTA Bretagne.
Longline fishing off the Kerguelen Islands.