L’objectif des Entrep' est de simuler la création d’entreprise via un business plan. Pendant plusieurs mois (18 semaines), les étudiants issus de différents établissements (ingénieurs, juristes, biologistes, communicants, etc.) travaillent ensemble sur des projets innovants et créatifs. En 2020, le programme a réuni 158 étudiants bretons autour de 31 projets.
Cette édition était parrainée par Antonin Raffarin, responsable de l’incubateur ENSTARTUPS de l’ENSTA Bretagne. Antonin, est un ancien participant des Entrep’, il avait reçu le prix Bretagne pour Inobo Kiteboarding, entreprise qu’il a créée par la suite.
En ce contexte particulier du confinement, la finale régionale au cours de laquelle les équipes devaient pitcher leur projet devant le jury, a été modifiée. Afin d’être évalués à distance, les étudiants ont envoyé un pitch vidéo d’une dizaine de minutes.
Le groupe était composé d’Auxane, (porteuse de projet et étudiante en troisième année à l’ENSTA Bretagne), Maxime et Samuel (étudiants en première année à l’ENSTA Bretagne) ainsi que de Lola, étudiante en troisième année de droit à l’UBO.
Nous avons eu le plaisir d’interroger Auxane. Etudiante à l’ENSTA Bretagne et porteuse du projet Circuit Kouc’h qui a remporté le prix du Finistère, elle nous fait part de son expérience.
Pouvez-vous vous présenter ? Quel est votre parcours à l'ENSTA Bretagne ?
J’ai intégré l’ENSTA Bretagne après deux ans de classes préparatoires MPSI (maths, physique, sciences de l’ingénieur ) /MP (qu’est ce que c’est ?). A la fin de la première année j’ai choisi de m’orienter vers la filière ANO (Architecture navale et offshore). En seconde année j’ai décidé d’intégrer l’option ISE (Ingénierie et Sciences de l'Entreprise) afin de rajouter une composante managériale à ma formation.
En quoi consiste Circuit Kouc'h ?
Circuit Kouc’h est un projet de création d’entreprise autour de la revalorisation des coques de bateaux de plaisance en fin de vie. Il consiste à transformer les coques usagées en éléments de mobilier design, écologiques et rappelant l’univers marin.
Le nom de Circuit Kouc’h fait référence au cycle de vie de la coque à laquelle on va donner une seconde vie, avec une identité géographique assumée (« kouc’h » signifie « coque » en breton, il se prononce "court") car c’est un projet qui vise à se développer d’abord localement.
Êtes-vous à l'initiative de ce projet et si oui, comment vous est venue cette idée ?
Je suis porteuse du projet depuis le départ. L’idée m’est venue de la prise de conscience de la problématique du recyclage des coques de bateaux de plaisance. Le parc français des bateaux de plaisance usagés est immense (150 000 en 2019 selon l’ADEME) et 80% des coques sont en matériau composite, généralement en polyester et fibre de verre.
Il n’existe pas de filière de recyclage du composite en France, ce qui signifie que les déchets composites finissent soit enfouis soit brûlés. Pire encore, la déconstruction des bateaux n’est pas systématique et un grand nombre de bateaux sont laissés à l’abandon dans les ports et sur le littoral. Si rien n’est fait, ils finiront au fond de la mer. Cet état des choses pose de nombreux problèmes y compris sur le plan environnemental (pollution maritime, atmosphérique et des sols). J’ai donc cherché un moyen de revaloriser ces coques de bateaux, et de là est née l’idée d’en fabriquer du mobilier.
Quelles ont été les différentes étapes de la mise en place du projet ?
Après la phase d’idéation, il a fallu préciser l’idée et la confronter aux professionnels et au marché. Pour cela, nous avons rencontré de nombreux acteurs : enseignants-chercheurs de l’ENSTA Bretagne, chantiers naval, usine de déconstruction, designers, banquiers, etc. En fonction de ces échanges, nous avons pu préciser et/ou modifier le projet. En parallèle, nous sommes allés rencontrer les passants aux Capucins et avons diffusé des questionnaires en ligne afin de recueillir l’avis du public sur le projet et de pouvoir ajuster la proposition de valeur. Nous avons aussi bénéficié de l’accompagnement de nos coachs du programme Les Entrep’ et d’Antonin Raffarin, responsable de l'incubateur de l’ENSTA Bretagne. En réalité il est difficile de lister les étapes de mise en place du projet car celui-ci s’est construit selon un processus itératif plutôt que de façon linéaire, chaque nouveau retour nous poussant à modifier l’idée antérieure.
Comment est constituée l'équipe (quels profils) et comment vous êtes-vous répartis les tâches / rôles dans le projet ?
Nous sommes quatre dans l’équipe : Lola, étudiante en L3 de Droit à l’UBO, Samuel et Maxime, étudiants en première année à l’ENSTA Bretagne, et moi-même, étudiante en troisième année en ISE (Ingénierie et Sciences de l’Entreprise). Naturellement, Lola a pris en charge les aspects légaux liés à la déconstruction des bateaux. Samuel et Maxime se sont davantage penchés sur les aspects techniques de la transformation des coques (procédés, outils, forme des différentes coques, etc.). Quant à moi, outre la gestion globale du projet, j’ai pris en charge l’étude de marché et les contacts avec les différents acteurs du monde de la plaisance.
Qu'est-ce que la formation vous a apporté pour réussir ce projet (les cours, la vie associative etc.) ?
En terme de connaissances théoriques, les cours sur l’entrepreneuriat dispensés dans le cadre de la formation ISE (Ingénierie et Sciences de l'Entreprise) m’ont bien entendu été d’une aide précieuse, tout comme ceux sur le développement commercial et le marketing. Aussi, le double-diplôme avec l’IAE m’a donné les bases en comptabilité et en analyse financière, indispensables pour la rédaction du dossier financier du projet. Sur un plan plus technique, les cours de Matériaux m’ont été utiles pour appréhender le matériau composite constitutif de la coque des bateaux. De plus, les nombreux projets de groupe dans la formation m’ont formée au management de projet et à la gestion d’équipe.
Au niveau de la vie associative, mon engagement en tant que cheffe de projet au sein de l’association ENACTUS (entreprenariat social et solidaire) m’avait déjà donné un bon aperçu de l’entrepreneuriat social et de ses outils : j’avais déjà eu par exemple à rédiger un Business Plan.
Enfin, mon stage ouvrier dans un chantier naval du port de Brest m’a familiarisée avec le secteur naval et les problématiques qui lui sont liées.
Qu’est-ce que cette expérience vous a apporté ?
Ce projet est une synthèse et un aboutissement de mes années de formation à l’ENSTA Bretagne :
- les aspects techniques sur le travail du matériau composite et sur l’architecture des coques de bateaux faisant appel à ma formation en Mécanique et en Architecture navale,
- les aspects de management de projet et de création d’entreprise étant l’application directe de ma formation Ingénierie et sciences de l'entreprise.
- Il m’a aussi permis de compléter mes connaissances sur les aspects juridiques, financiers et stratégiques de la création d’entreprise,
- ainsi que sur d’autres domaines peu étudiés en école d’ingénieur, tels que le marketing et la communication.
- Enfin, cela a été l’occasion de développer des soft skills que l’on acquiert seulement par l’expérience : esprit d’entreprendre, écoute active, acceptation des critiques, sens du collectif, pour n’en citer que quelques-uns.
Quels sont vos projets futurs ? Y aura-t-il une suite à ce projet ? Allez-vous lancer l’entreprise ?
J’aime créer et j’ai toujours beaucoup d’idées, donc je suis certaine qu’il y aura d’autres projets. Ce que j’aime dans le processus de création, c’est la possibilité d’apporter des solutions aux problèmes que l’on observe autour de soi. J’ai ainsi l’impression de pouvoir « changer le monde », à mon échelle. Cependant, si passer de l’idée au projet n’est pas un problème, passer du projet à sa réalisation concrète est plus délicat. Cela demande beaucoup de volonté et de persévérance pour aller jusqu’au bout.
En ce qui concerne Circuit Kouc’h, nous avons eu énormément d’encouragements et de retours positifs sur le projet donc cela donne envie de poursuivre l’aventure. A ce stade du projet, il serait intéressant de travailler avec des étudiants en Design sur l’élaboration de prototypes. Je pense en particulier au Master Design de la Transition Ecologique de l’EESAB de Brest.
Quant à créer l’entreprise, cela suppose au préalable d’avoir obtenu des résultats probants sur le prototypage et d’avoir validé le marché en faisant appel à un professionnel pour mener une étude de marché plus large et rigoureuse. Si effectivement le projet a le potentiel de devenir une entreprise rentable et pérenne, sa création pourra être sérieusement envisagée. Mais aujourd’hui, j’ai aussi envie de découvrir l’industrie et le salariat, et pourquoi pas y faire mes armes avant de revenir vers la création d’entreprise dans quelques années.